Le Nudge - Définition, typologie, exemples des nudges célèbres

et mise en pratique

Un nudge est un « coup de pouce » ou bien une « incitation douce » ou encore une « suggestion indirecte » donné à un individu, utilisateur ou consommateur, pour modifier son comportement. C’est une technique d’influence qui est de plus en plus utilisée par les entreprises ou les institutions publiques pour faire changer un comportement sans même que l’individu ne s’en rende compte.

Prenons l'exemple du nudge de la mouche des urinoirs. Les hommes peuvent manquer de précision ou d'attention aux toilettes et il n'est pas rare qu'il y ait des éclaboussures à l’extérieur de la cuvette. Le simple fait de mettre un motif dans la cuvette (nudge mouche de MoucheStick) donne un élément à viser. Inconsciemment, en douceur, les utilisateurs sont incités à limiter les éclaboussures : c'est le nudge appliqué aux toilettes ou aux urinoirs.

Les nudges sont parfois une réponse au manque de rationalité constaté chez l’homme et la femme ou bien à un manque d’attention des individus. Ce manque de rationalité s’explique par de nombreux biais de perception identifiés dans le cadre de l’économie comportementale (erreur d’attribution, biais d’ancrage, biais d’auto-complaisance). Le nudge a donc pour but d’orienter les comportements individuels.

Par exemple pourquoi ne pas mettre sa ceinture de sécurité dans un car alors qu’on sait tous que « rationnellement » il faudrait le faire ? Car nous ne sommes pas toujours des êtres rationnels. Avoir l’information ne suffit pas à prendre la décision. Le nudge permet de provoquer ce changement de comportement.

« À la différence d’une sanction ou d’une interdiction, le nudge n’est pas coercitif, il va simplement pousser l’individu à prendre la bonne décision en terme de santé, d’environnement, d’achat ou d’éducation (ou en réalité, la décision que le concepteur du nudge juge la meilleure). C’est donc une influence douce. » - Antoine de MoucheStick.com, fondateur du premier site permettant de démocratiser le nudge de la mouche.

La théorie du nudge a été mise en lumière en 2008 par Richard Thaler et Cass Sunstein grâce à leur livre Nudge. Improving Decisions about Health, Wealth, and Happiness, New Haven,Yale University Press Publisher, 2008. [Traduction française :Nudge, La méthode douce pour inspirer la bonne décision, éditions Vuibert, 2010].

La théorie du nudge devient encore plus grand public en 2017 quand Richard Thaler reçoit l'équivalent du prix Nobel d'économie pour ses travaux sur l'économie comportementale.

Les deux auteurs définissent ainsi le nudge comme « un aspect de l'architecture du choix qui modifie le comportement des gens d'une manière prévisible sans leur interdire aucune option ou modifier de manière significative leurs motivations économiques. Pour ressembler à un simple « coup de pouce », l'intervention doit être simple et facile à esquiver. Les « coups de pouce » ne sont pas des règles à appliquer. Mettre l’évidence directement sous les yeux est considéré comme un coup de pouce. Interdire uniquement ce qu’il ne faut pas faire ou choisir ne fonctionne pas. »

Le but est donc bien d’inciter à une action sans avoir un discours réglementaire ou moralisateur : le nudge permet de faire naturellement basculer de l’intention à l’action.

De là à parler de manipulation ? Pour les toilettes ou urinoirs avec le nudge mouche ou cible c’est plutôt une astuce bon-enfant. On a tous remarqué que les panneaux indiquant aux hommes de respecter la propreté ne fonctionnent pas toujours. Avec le nudge de la mouche des toilettes, le fond de la cuvette est naturellement visé et les toilettes restent propres

La société d'étude et de conseil BVA, qui acompris rapidement l’intérêt d'avoir une cellule "nudge" au sein de son entreprise, a produit une vidéo pédagogique en direction de ses clients publics et privés. Elle résume bien l'idée et donne des exemples.

Le nudge peut avoir différentes finalités :

• Utilisation commerciale et marketing : le but est d’inciter à un passage à l’acte d’achat;
• Utilisation de bien public : le but est d’orienter les comportements vers des actions positives, plus citoyennes (inciter au recyclage ou à mieux manger par exemple);
• L’accompagnement de la conduite du changement : le nudge sert à faciliter l’adaptation à un changement majeur imposé à un groupe d’individu.

Le nudge peut utiliser plusieurs types de mécanismes :

• Les options par défaut : une des différentes options de l'utilisateur est mise en avant;
• Les incitations : l’utilisateur est incité à réaliser l’action que l’on souhaite par un système de récompense ou via un visuel ou bien encore la mise en avant des bienfaits d'un choix;
• Les feedback et les retours d’expérience : on indique après coup l’impact et le résultat des différentes options choisies. L’idée est de mettre en avant les impacts positifs des « bons choix » en comparaison des résultats liés aux « mauvais choix »;
• Les effets d'entrainements sociaux : le choix commun est mis en avant afin d'induire le même acte aux autres utilisateurs.

Chaque technique correspond donc à plusieurs catégories : par exemple le nudge mouche (la fausse mouche gravée dans les toilettes des aéroports) est un nudge d’incitation qui permet une utilisation plus respectueuse d’un lieu, es WC.

Bien souvent le process de mise en place du nudge en entreprise peut se résumer en plusieurs phases nécessaires :

• Idéation : processus créatif permettant de révéler, former et expliciter des idées. Ce process peut se faire en groupe,ou via des « boites à idées » par exemple.
• Sélection des meilleures idées : phase d’étude et de trie. Le but est de sélectionner les idées répondant le mieux aux problèmes identifiés et étant probablement les plus efficaces et les moins coûteuses. On cherche donc à être le plus efficient possible (c’est-à-dire à obtenir le meilleur ratio entre l’atteinte des objectifs fixés et les ressources utilisées).

Les stickers pour toilettes ou les autocollants pour urinoir (parfois appelés nudge urinoir ou nudge toilette) sont ainsi un parfait exemple. IIs sont très efficaces en répondant à l’objectif fixé : éviter les éclaboussures autour des toilettes afin de diminuer le nettoyage et ils sont très peu coûteux.

• Développement limité : cette étape permet de ne pas déployer le nudge à grande échelle sans être certain des répercussions et de l’impact.
• Tests et mesures : le fait d’avoir un développement limité permet de tester et mesurer l’impact. L’idée est de s’assurer que les personnes touchées font évoluer leur comportement à court terme, mais également à plus long terme – une fois l’effet de surprise passé.
• Adaptation : le cas échéant, le nudge pourra être adapté, suite aux tests et aux mesures, afin de le rendre plus efficace.
• Mise en place à grande échelle : une fois les tests concluant, le nudge peut être déployé à grande échelle. C’est également le cas du nudge mouche des urinoirs ou des toilettes : depuis son succès au sein des aéroports,l’astuce s’est déployé dans de nombreux lieux publics (école, musée, aire d’autoroutes, camping, aire de repos, lycée, collège, restaurant, bar…) et aussi chez des particuliers.

Au sein d’une entreprise ce processus pourra être précédé et suivi de différentes phases permettant d’optimiser la conception et la portée du nudge.

• En amont : Diagnostic stratégique qui permet d’identifier des faiblesses, des blocages, des réticences ou des inattentions qui pourraient être évités ou corrigés.
• En aval : Communication autour de la mise en place du nudge. Parfois cette communication ne doit pas être directe et explicite, au risque d’atténuer les effets du nudge voire même d’être contre productif si un individu se sent et se sait influencer. Il est parfois inutile de réaliser une communication particulière lorsque la mise en place du nudge est suffisante.

Pour le nudge mouche des toilettes, il n’y a, par exemple, aucune communication : l’autocollant dans les toilettes à un effet cible qui se suffit à lui-même ; il est inutile d’ajouter un panneau « viser la mouche ».

La forme que prendra chacune de ses étapes sera différente selon que le nudge soit pour une entreprise, pour une communauté ou pour le public. De même, le processus sera différent si la conception du nudge a été prise en charge en direct ou par un cabinet de conseil et d’accompagnement.